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L’effet Barnum et les surdoués

« Vous avez besoin d’être aimé et admiré, et pourtant vous êtes critique avec vous-même. Vous avez certes des points faibles dans votre personnalité, mais vous savez généralement les compenser. Vous avez un potentiel considérable que vous n’avez pas encore utilisé à votre avantage. À l’extérieur vous êtes discipliné et vous savez vous contrôler, mais à l’intérieur vous tendez à être préoccupé et pas très sûr de vous-même. Parfois vous vous demandez sérieusement si vous avez pris la bonne décision ou fait ce qu’il fallait. Vous préférez une certaine dose de changement et de variété, et devenez insatisfait si on vous entoure de restrictions et de limitations. Vous vous flattez d’être un esprit indépendant ; et vous n’acceptez l’opinion d’autrui que dûment démontrée. Vous avez trouvé qu’il était maladroit de se révéler trop facilement aux autres. Par moments vous êtes très extraverti, bavard et sociable, tandis qu’à d’autres moments vous êtes introverti, circonspect et réservé. Certaines de vos aspirations tendent à être assez irréalistes. »

Résultat d’un « test de personnalité » adressé à tous ses élèves par le professeur Bertram Forer en 1948. Les étudiants en ont noté la pertinence, en moyenne, à 4,26/5.

Vous aussi ça vous décrit bien, ainsi que la description de votre prénom, celle de votre horoscope du jour, et celle de votre tableau astral ? C’est que toutes ces descriptions s’appuient sur ce qu’on appelle l’effet Barnum, c’est-à-dire sur des descriptions suffisamment vagues pour que tout le monde s’y retrouve.

L’effet Barnum peut aussi être appelé effet Forer, effect de validation objective, ou encore effet puits. C’est un biais cognitif, qui peut être utilisé pour le divertissement ou la manipulation, dont on entend souvent parler autour du concept de haut potentiel intellectuel.

Le HPI : une personnalité ?

Quand on se balade sur un groupe ou un site consacré au HPI, on peut voir fleurir les commentaires de personnes qui se disent auto-diagnostiquées, « je n’ai jamais fait de test mais je suis surdoué », pour plein de raisons. Et parfois, ils ont raison, d’autres, non.

La communauté scientifique n’est pas accordée sur des caractéristiques de la personnalité des HPI qui seraient universelles. Le seul point indiscutable, c’est de passer la barre des 130 ou 132 points de QI dans un test standardisé Wechsler, c’est-à-dire de faire partie des 2,5% ou 2% des gens qui ont les résultats les plus hauts.

Article Qu’est-ce que le Haut Potentiel ?

Sauf que entre 129 de QI, et 132, est-ce qu’il y a vraiment une différence de nature ? Est-ce qu’on peut affirmer que quelqu’un qui est en dessous n’a aucune chance d’être HPI, que quelqu’un au-dessus l’est forcément ? C’est une question de définition fort débattue.

De nombreux auteurs arguent pour des caractéristiques liées au surdoués, assez distinctes des capacités intellectuelles démontrées par le test, par exemple la curiosité, la capacité à s’extraire des récits collectifs, l’empathie, l’hypersensibilité… Ces approches sont indispensables pour bien des HPI qui souffrent de certains aspects de leur personnalité, qui leur permettent de trouver des gens « qui leur ressemblent ». C’est tout l’intérêt des réseaux de HPI.

Barnum et HPI

Sauf que quand on commence à dire que le HPI, c’est autant un chiffre à un test qu’un faisceau de caractéristiques psychologiques, on peut décrire ces caractéristiques. Et certains auteurs le font pour démocratiser le concept, pour donner des clefs aux gens qui se sentent différents. Et certains lecteurs, alors, s’identifient, se reconnaissent, et, sans test, se pensent concernés.

On voit fleurir des articles « dix signes que tu es HPI », « les problèmes et solutions des HPI », qui parlent de choses qui s’appliquent à plein de HPI, et potentiellement plein d’autres personnes, qui font peu de nuance. C’est d’autant plus le cas lorsque :

  • la personne qui nous parle, ou qui écrit, est une figure d’autorité (par exemple la psychologue spécialisée dans les surdoués Jeanne Siaud-Facchin, à qui on reproche beaucoup sa généralité et les possibilités d’effet Barnum de ses livres);
  • la thèse est agréable et bien considérée (vous êtes plus intelligent, plus sensible que la moyenne, vous avez un potentiel inexploité, voire votre souffrance est justifiée).

Quelques exemples tirés des commentaires Amazon du livre de Jeanne Siaud-Facchin, Trop intelligent pour être heureux, l’adulte surdoué :

Commentaire amazon
Commentaire amazon
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Les personnes qui se posent un jour la question de leur haut potentiel sont généralement des personnes qui souffrent et/ou qui veulent expliquer leur différence, et qui ont en même temps un besoin d’appartenance, qui se posent des questions sur elles-mêmes. Le flou autour des caractéristiques du HPI, autre que le QI, est assez grand pour que la plupart puisse se sentir concernés.

L’effet Barnum de l’effet Barnum

Quand on a trop peur de se faire avoir…

Quand on commence à se renseigner sur le HPI ou les différences neuro-cognitives, on peut tomber sur la définition de l’effet Barnum. Et se dire que si on se reconnait dans les descriptions, c’est sûrement à cause de ça, et surtout pas parce qu’on est effectivement « plus intelligent que la moyenne ». Ce travers, qui touche beaucoup les femmes (de nombreux psychologues racontent que les femmes identifient le haut potentiel de leurs enfants, mais pas le leur, sont surprises de le découvrir, se sont longtemps pensées stupides ou limitées), a été décrit comme l’effet Barnum de l’effet Barnum.

Je ne suis pas comme ça ! Ce n’est pas si simple !

Un panda se pose des questions

Il peut y avoir plein de résistances à se reconnaître surdoué dans les descriptions qu’on voit souvent.

Si j’étais si intelligent, je le saurais.

J’ai tel et tel contre-exemple qui montre que parfois je suis stupide, égoïste, peu curieuse.

Tout ça manque de nuances.

Premières lectures , Ressources

Selon la façon dont on a construit notre personnalité, on se voit d’une certaine manière. J’ai douté (et doute parfois encore) d’être une « vraie » surdouée, parce que je ne me sentais pas assez empathique, hypersensible et curieuse. Parce que j’ai longtemps rejeté cette part de moi, comme une faiblesse. Parce que d’autres, bien sûr, le sont plus que moi. Parce que je ne me définis pas ainsi, indépendamment de comment je suis.

Les surdoués essaient souvent de s’adapter. De se fondre dans un moule dont les règles semblent arbitraires. Ils se créent une personnalité, consciemment ou non. C’est difficile de savoir ce qu’on est, à supposer qu’on soit bien quelque chose, une chose figée dans le temps, qu’on ait une vérité qui survive au temps.

Personnellement, je n’avais pas assez confiance en moi et ma légitimité à me connaître pour m’affirmer HPI sans test, les descriptions collaient peu. N’étaient pas assez souples pour les nuances du quotidien. C’est pour ça que le test m’a été indispensable.

Conclusion

On dit souvent qu’on est les mieux placés pour se connaître, mais je ne sais pas si c’est vrai. À la limite, on est les mieux placés pour connaître nos émotions immédiates, pour savoir ce qu’on aime, et encore, notre esprit semble pouvoir se jouer de nous, nous cacher ces émotions et ces réflexes.

Même si l’approche des psychologues est imparfaite, humaine, limitée, je crois qu’elle est absolument complémentaire, et pour ceux qui veulent et ont besoin de mieux se connaître, indispensable. Bien sûr, les thérapeutes ont leurs propres biais, leurs propres convictions, bien sûr ils en savent moins que nous sur nous-mêmes. C’est pour ça que leurs conclusions ne sont qu’une brique. Que notre connaissance de nous-même n’est qu’une exploration et un mouvement.

Qui sait s’il y a une vérité à atteindre ? Il paraît que l’important, ce n’est pas l’arrivée mais la quête…

Voir aussi :

Effet Barnum et haut potentiel – Rayures et Ratures
Effet Barnum: danger du bilan qualitatif – Relaxeau
Effet Barnum — Wikipédia (wikipedia.org)

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