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LA SOLITUDE AMOUREUSE DES NEURODIVERS

Même lorsqu’ils sont en relation amoureuse, les ND peuvent ressentir une grande solitude.

Un vide intérieur surgit souvent sans raison apparente.

Tandis qu’ils observent que, chez les autres, ce vide semble comblé par la relation, même imparfaite et parfois pour cette raison même, il semble que “quelque chose” manque.

Mais quoi ?


Selon moi, la première raison, rarement évoquée dans les textes sur les ND, est la non-validation de soi.

En grandissant dans un contexte où « je » ne peux ni me projeter, ni m’identifier, et encore moins me faire comprendre, je finis par me considérer comme “une erreur” et tente d’être quelqu’un d’autre. C’est donc moi qui me manque, encore aujourd’hui.

La deuxième raison est encore plus intéressante : le refus de la “boîte”, comme je l’appelle.

Un des points communs aux ND est la terreur de l’enfermement. Que ce soit dans le couple, le travail ou la vie en général, les ND ont besoin d’un espace illimité à explorer. De l’infiniment petit à l’infiniment grand, leur regard ne saurait se contenter des limites imposées. S’ils remettent tout en question, c’est qu’ils cherchent à voir “plus loin”.

Le système de boîtes sécurisantes dont nous sommes les enfants, semble exploser face à leur désir de monde.
La boîte du couple, celle de la famille-clan, celles des partis politiques, des religions, des dogmes, des vérités répétées, des principes, des morales et parfois même des logiques, autant d’espaces où ils peinent à respirer et dont ils tentent de s’échapper.

Le couple est sans doute la plus petite boîte que nous ayons créée, rapetissant avec le temps. Sous ses airs de liberté, elle est imprégnée de croyances, de peurs et d’attentes qui la rendent facilement asphyxiante. Non seulement à travers les attentes de l’autre mais aussi nos propres attentes de l’autre duquel nous attendons encore qu’il comble notre vide.

Tant que le ND n’aura pas pris conscience de sa “nécessité d’autonomie”, il ne pourra que s’écarteler entre son désir de sécurité et son besoin d’indépendance.

Le vide est en moi, c’est mon espace que je n’ai pas encore reconnu ; celui de ma liberté. La liberté comprend une sorte de solitude qu’il s’accorde souvent, par nécessité. Une solitude qu’il confond parfois avec l’isolement relationnel.

Une troisième raison émerge. À moins qu’il ne se soit déjà enterré dans ses peurs/colères, le ND est à la recherche de l’inconnu, mais quand il le rencontre, il se plaint de ne pas être ni compris, ni accepté tel qu’il est. Il se dit différent mais accepte mal la différence de l’autre. Il se sait poussé vers un ailleurs mais il s’attarde à critique l’ici.

Il est en porte à faux entre son désir d’avancer et les doutes profonds vis-à-vis de s propre « existence ». Souvent il se cherche lui-même à travers les autres. Surtout sur les personnes qui ressemblent à ce qu’il aspire devenir ou celles qui lui ressemblent.

Il se peut bien qu’il passe de l’adoration à la haine sans transition, tant ce vide, cette absence (que l’on appelle aussi « faille narcissique ») l’emporte comme un bateau sans voile et le fait dériver au hasard des vents qu’il rencontre. (De rien)

Voici une quatrième raison possible : la difficulté du lien.

Ces fameux TSA ? Qui est cet autre que je ne saurais voir ?

Oui, nous sommes en plein cœur d’un processus de transformation, le monde en est le reflet. L’ancien ne cohabite plus avec le désiré, et même s’il s’impose, ses résultats sont plus que décevants, voire destructeurs.

Au niveau humain, nous croisons également l’ancien et le nouveau. Les anciens modèles ne seront pas ceux de demain.

Le ND est de demain, mais, bien qu’il ait pris conscience de sa diversité et de sa différence, il n’a pas encore réellement pris sa place.

Il hésite encore à faire exister ces parts de lui dont il a la conviction, passant du mal-être à la revendication de soi, se cachant ou s’imposant, bref… il n’a pas encore réellement dit “oui” à ce qu’il est.


Oser se regarder dans son potentiel de conscience et de création nous semble encore arrogant, nous manquons d’ambition pour nous-mêmes.

Nous préférons les attribuer à nos idoles en tous genres : politiques, sportifs, personnalités, stars, etc., et en nous, le vide dont on ne sait que faire et dont on ne fait pas grand-chose en effet.

Pourtant, c’est ce que je vous propose.

Tourner la page des plaintes, s’éloigner des tribunes, des accusations en cours, du combo tyran-victime pour écrire la page suivante à partir de “ce que nous avons à balayer devant notre porte”, ce que nous avons à mettre en place dans notre relation à nous-mêmes et aux personnes que l’on aime (pour commencer). Les autres, nous verrons plus tard

Quelques pistes vers ma ND assumée et vécue en auto-légitimité

Se valider dans son intuition, son accès à la conscience et ses perceptions augmentées. Intégrer les parts de nous qui n’ont pas pu exister.

Se libérer des boîtes “obligatoires et définitives” pour créer dans nos vies des espaces ou des cercles consentis et ajustés à notre justesse intérieure (mouvante), oser la liberté de soi.


Oser la relation en laissant tomber les attentes-miroir de ce que nous revendiquons ou de ce que nous désirons valider en nous-mêmes. L’autre n’est pas là pour ça, c’est – au contraire – sa différence, même incomprise qui nous permettra de mieux être en lien avec les autres et avec le monde. La ressemblance dans le couple est un besoin de l’ancien monde, plus on se reconnaissait en l’autre et plus on pouvait le supporter. Je n’ai pas dit aimer. Pour oser la différence, pour entrer dans la possibilité de l’autre (l’altérité) il faut déjà avoir fait la paix avec ce « je » que je vous invite à commencer à regarder avec intérêt. Non pas pas pour vous envoyer des fleurs en plastique, mais juste pour vous supporter. Et plus si entente. Je vous donne une piste que vous saurez sans doute reconnaitre si vous (re)commencez à sourire : le monde à-venir est un monde d’altérité et de fraternité.

S’autoriser à prendre de la distance avec le dit “monde”,  de la prison/paradis “dont nous ne sommes ni le reflet ni le résultat, pour commencer à aller vers une nouvelle forme d’exploration : celle de l’espace inconnu et infini que nous sommes individuellement, c’est-à-dire notre territoire intérieur (développement personnel), pour en reconnaître et accepter notre séparation et notre appartenance à l’ensemble (développement relationnel). Ce point – j’en suis consciente – est encore un peu prématuré, et pourtant c’est là que tout va se passer.


Conclusion

Nous sommes non seulement en transformation individuelle, mais également en transformation collective. Une opportunité de faire « table rase » des vieux schémas auxquels notre vieux monde s’accroche en essayant de retenir ce qui est déjà mourant, afin d’enfin accepter et surtout se légitimistes en tant que « différent », je préfèrerai dire « unique ».

Car si notre quête intérieure se rejoint, les manières, les inspirations, les savoirs, les idées, la créativité et les désirs de chacun des ND sont des trésors uniques dont le monde pourrait se nourrir pour renaitre.

En regardant en point de fuite, nous observons que le contexte politique est un reflet de ce que nous sommes humainement : ce décalage entre ce que nous croyons être (bienveillants, tolérants, inclusifs, gentils, solidaires, etc.) mais que nous ne savons même pas vivre avec les personnes que l’on aime. Alors comment aimer, non pas en théorie, mais en réalité, ces autres que nous ne côtoyons pas mais que nous désirons soutenir par soucis d’éthique ou de justice. Parler ne suffira plus.

Si l’intolérance est ignoble, la parole non vécue n’est pas reluisante non plus.

Le monde joue la pièce des rôles que nous interprétons.
D’où la nécessité de nous autoriser d’exister réellement et de créer une réalité qui nous ressemble, afin de commencer à vivre notre monde, celui de nos rencontres, de nos paroles et de nos actes du quotidien. Le monde suivra. S’il en est certain qu’il n’en existe qu’un seul. Pas les autres, toi !

À toi, à vous,

Anne Yvonne

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