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Des intuitions étonnantes

Extrait du livre : Un zèbre sur le divan, éditions Albin Michel, 2022

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Le surinvestissement intellectuel d’Henri s’accompagne d’une surcapacité à anticiper, à deviner, qui provient de sa cruelle dépendance aux variations d’humeur de sa mère et de son père. Ce qui-vive constant pourrait être à l’origine de ses intuitions médiumniques…

Henri raconte quelques-unes de ses prémonitions, rejetées toutes trois par son entourage : sa cousine Liliane refusant sa venue chez elle, le médecin de son père le prenant pour un casse-pieds, et son associé, Charles, se montrant sceptique et troublé. Ces pressentiments, Henri les a chèrement gagnés. En effet, dans sa famille dysfonctionnelle, il a dû surdévelopper sa sensibilité afin de capter les signaux les plus faibles, avant-coureurs de la colère de son père ou de la tristesse de sa mère. Anticiper les émotions de sa famille, émotions qui pouvaient lui nuire, était une solution de survie. Dès le plus jeune âge, notre zèbre pourrait être comparé à un canari dans une mine de charbon : autrefois, en effet, les mineurs emportaient dans une cage ce petit oiseau jaune qui, lorsqu’il mourait ou s’évanouissait, les prévenait ainsi d’une explosion ou d’une intoxication imminentes. Henri a conservé cette aptitude à l’âge adulte.

Ajoutons à cela le syndrome de Cassandre qui affecte beaucoup de surdoués. Tout comme Henri, ces derniers perçoivent ou anticipent des incidents à venir, cependant ils sont rarement crus. Telle Cassandre, dans la mythologie grecque. En effet, cette princesse reçut d’Apollon le don de prédire l’avenir mais, comme elle se refusa à lui, il décréta que ses prédictions ne seraient jamais prises au sérieux. Ce fut, par exemple, pour Cassandre, un déchirement au moment de la guerre de Troie car elle avait alerté en vain les Troyens sur les dangers qu’elle pressentait.

Comme Cassandre, Henri voudrait prévenir, mais il aimerait aussi dire des vérités, même si elles fâchent : là encore il se heurterait à des murs, il parlerait à des sourds. Henri l’a expérimenté avec un sujet aussi superficiel que l’évaluation d’un pianiste comme Lang Lang : sa remarque a été censurée. Sylvie l’a éprouvé, elle, de façon grave avec sa nounou qu’elle trouvait fourbe, mais que ses parents ont refusé de mettre face à sa conduite ambiguë.

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