Article à retrouver sur le blog Haut Potentiel d’aventure : Les intérêts spécifiques (ou spéciaux, ou restreints) dans l’autisme – Haut Potentiel d’Aventure (hautpotentieldaventure.com)
Le concept d’intérêt spécifique est lié à l’autisme. Il s’agit d’un intérêt fort et répété (au moins trois mois d’après les critères de diagnostic), donc les caractéristiques ne sont pas très dissociables d’une passion « normale », mais qui est susceptible d’être plus intense, d’avoir un objet étrange ou inhabituel (les trains, la troisième dynastie égyptienne, les différents types de cendres), et/ou de fortement impacter le quotidien des personnes autistes.
Les intérêts spécifiques peuvent porter sur tous les sujets, mais des études montrent qu’ils sont souvent plus « acceptables socialement » chez les filles (par exemple les chevaux ou les poupées Barbie), et donc moins bien repérés. Ils pourraient aussi être un peu moins intenses.
Il s’agit d’intérêts qui poussent à une accumulation d’objets ou de connaissances, ou les deux, par exemple en faisant des listes, en apprenant des faits par cœur, en faisant des collections matérielles. Ils peuvent occuper plusieurs heures par jours aux personnes autistes, provoquer une concentration intense, une détresse s’il faut les mettre de côté, et des difficultés sociales car il est difficile de parler d’autre chose ou de faire partager son enthousiasme.
Avec les comportements stéréotypés (stims), les intérêts spécifiques font partie des critères diagnostics de l’autisme. Il s’agit d’un des trois axes, les autres étant les difficultés sociales et les particularités sensorielles.
Points forts
- Les intérêts spécifiques ressourcent et détendent, permettent d’être « dans son monde », ce qui a généralement un effet positif sur l’humeur et la santé mentale
- Les intérêts spécifiques peuvent être la base d’une expertise, voire d’une compétence professionnelle, et permettent à certains autistes d’exercer un métier qui leur plaît et leur convient (en lien par exemple avec l’art, les collections, ou un intérêt particulier, comme les chevaux, les trains, la psychologie…).
- Les IS peuvent être un levier de motivation et de communication sociales, le point d’entrée vers d’autres personnes, autistes ou non, qui partagent cet intérêt. Cela est particulièrement vrai pour les adultes qui ont les moyens de trouver des gens « qui leur ressemblent », notamment grâce à internet.
Points faibles
- Les IS peuvent compliquer les relations sociales
- Les IS peuvent rendre difficile la concentration sur tout autre sujet, prendre toute la place, et donc le fonctionnement dans la société telle qu’elle est. Par exemple, au lieu d’écouter en cours, un enfant autiste imaginera des scenarios liés à son IS, récitera des listes liées, voudra faire des recherches, lira un livre sous la table… ou, simplement, sera très malheureux de ne pouvoir s’y consacrer
- Les IS peuvent conduire à des comportements dangereux ou irresponsables (difficultés financières, contacts avec de « mauvaises personnes » pour obtenir des informations ou objets, non-réalisation de certains dangers…)
J’ai longtemps cru que je n’avais pas d’intérêt spécifique
En fait, je crois que j’en ai beaucoup. C’est peut-être lié au TDAH et au HPI, les deux étant souvent lié à des intérêts changeant rapidement. Chez moi, j’ai des sujets de prédilection, depuis toujours, et des façons différentes, selon les périodes, de m’y intéresser. Je citerai, ainsi, les mathématiques (surtout la géométrie et l’algèbre), l’histoire, les histoires de vie et périodes de la vie (et donc la biologie, la génétique et la grossesse), la psychologie, les livres, la logistique, la décoration et les arts créatifs. Et la grammaire, et la linguistique. Cela se traduit de mille manières : passer des heures sur Wikipédia, à sauter de page en page, apprendre par cœur les dates des rois de France, lire des livres, des livres et encore des livres, sur plein de sujet, m’intéresser à la psychologie, lire les nécrologies Wikipédia, lire les subreddit /AITA, passer des heures sur Quora à lire des témoignages divers et variés, sur différents sujets. Ecrire des livres sur les expériences et la pensée humaine. Fabriquer des choses. Décorer des appartements (y compris seulement dans ma tête, y compris sur les Sims ou dans une maison Playmobil). Lire avec passions les catalogues alimentaires, passer du temps sur le site d’Ikea, faire des listes et des plans d’aménagement pour des appartements vus sur Leboncoin que je ne visiterai jamais.
Ça ne me prend pas forcément des heures chaque jour (quoique, quand je traîne sur internet au boulot, quand je regarde la télé à la maison…), ce n’est pas toujours si satisfaisant ou ressourçant. Ça ne me permet pas toujours de fuir la pression de la productivité et du temps qui passe, qui me permettent beaucoup moins qu’enfant de juste profiter de l’instant présent, de me perdre dans ma recherche d’informations.
Mais j’approche ces intérêts en autiste. Je classe, je trie, à l’écrit ou pas – j’ai des listes de livres lus, des cahiers d’auteurs et de réalisateurs avec leur œuvre, des cahiers de livres à lire, de films à voir, des chronologies. Des centaines de dessins, petits objets, bijoux, idées que j’ai réalisés ou seulement eus. Pas forcément avec la vision globale : j’aime le Moyen-Âge, l’Antiquité, mais pas forcément dans leur vision globale, leurs enjeux géo-politiques. Je suis fascinée par l’idée de « l’air du temps », par comment les gens vivaient à cette époque et envisageaient la vie, par l’idée des vies individuelles dans ces temps différents et inconnus. Je suis fascinée par l’idée de la contingence et de l’absurde, par ce qui aurait pu arriver et ce qui est arrivé, par les notions d’intention et d’accident. Par les histoires des gens, surtout quand elles sont finies, pour bien les voir dans leur ensemble, et pas dans leur quotidien. J’ajoute cette lecture à tout, même à ma propre vie : j’aimerais tant faire histoire, je m’imagine très souvent vieille, et regardant par-dessus mon épaule pour retracer ma propre histoire.
Et vous ?