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Le fantasme de fusion

J’ai trouvé, au cours de mes lectures, quelques occurrences de ce concept qui, je trouve, ne manque pas d’intérêt. Alors, de quoi parle-t-on ?

Un concept psychanalytique

Une mère donne le sein à son bébé

Le fantasme de fusion renvoie au concept psychanalytique théorique d’état fusionnel, un état dans lequel le Moi ne s’affirme pas clairement, car la perception des limites de ce qu’est soi-même est confuse. Il s’agit souvent d’une référence au rapport à la mère dans les six premiers mois de la vie, au cours desquels ni la mère ni l’enfant ne pourrait se définir complètement en temps que sujet indépendant.

Au delà de cet attachement initial à la mère, et à son attachement en retour qui se normalise peu à peu au cours des premiers mois, la fusion peut être un fantasme qui y fait référence et qui peut s’exprimer dans les relations de groupe (instinct grégaire) comme dans les relations interpersonnelles (relation plus ou moins pathologique se réclamant de l’amour fusionnel), mais aussi dans des pathologies (dépendance affective, intolérance à la frustration, trouble de la personnalité…).

Le fantasme de fusion au quotidien

Un public encourage une équipe de foot

Le fantasme de fusion, c’est l’idée pour laquelle un soldat fait acte de bravoure et se sacrifie pour son unité, son armée et son pays. C’est ce qui pousse un supporter de foot à s’identifier à une équipe et à vibrer intensément, de façon qui paraîtrait disproportionnée, selon le déroulé du match. C’est l’idéal du prince charmant, de la disparition dans le couple, dans l’autre.

C’est, globalement, l’idée de pouvoir se perdre dans une entité plus grande que soi, au point de perdre de vue sa propre individualité. L’état peut-être plus ou moins transitoire. On peut s’imaginer, par exemple, que l’homme qui est prêt à se sacrifier, un matin de juin 1916, est bien content d’avoir survécu à la fin de la guerre, et ne pense guère à son pays le jour où il se marie ou dans sa vie quotidienne.

Sur ce sujet, je trouve les thèses de Carlos Tinoco particulièrement intéressantes, et bien expliquées dans sa chaîne demonstrer.fr sur Youtube. L’idée est que le fantasme de fusion est un outil particulièrement efficace pour donner du sens dans un instant très court, dans l’action, et qu’il peut s’opposer à la notion de solitude existentielle, être le fantasme d’y échapper.

La solitude existentielle

Homme seule regarde la pluie tomber, la nuit

Oui parce qu’en fait, malgré tout, on est nous. Un être humain (ou un robot, pas de discrimination ici, coucou ChatGPT). Un être humain seul dans sa tête, somme non exacte d’un patrimoine génétique, d’une suite continue d’expériences, d’un environnement plus ou moins favorable. Un être humain qui, quoi qu’il fasse, ne pourra jamais transmettre l’entièreté de sa pensée, de ce qui la sous-tend, et des expériences qui la conditionne. Un être humain qui n’a accès au monde que par l’intermédiaire de ses sens, notoirement inexacts, des mots, limités, des gestes, des contacts humains.

Un être humain seul, qui pourtant noue des contacts avec son environnements, et avec les êtres qui l’habitent. Et un être humain qui doit se débattre avec l’idée que les autres resteront pour toujours plus ou moins accessibles, et que son individualité est pourtant modelée par l’environnement, y compris social, sans lequel il n’aurait pas pu survivre à son enfance. On sait, par exemple, qu’un enfant nourri mais privé de toute affection se laisse dépérir.

Donc la fusion, c’est un état qu’on peut ressentir, c’est aussi un fantasme, le fantasme d’être pleinement, entièrement, durablement avec autrui. Ce fantasme est parfois source de vulnérabilité aux manipulations et relations malsaines, parfois source de déception car, sur la durée, non maintenable. Même Tristan parfois peut se passer d’Iseult, Juliette de Roméo.

Personnellement, cet idéal, présenté en filigrane dans les Romcoms hollywoodiennes, dans les livres, m’a fait croire que c’était possible, et m’a fait regretter de presque toujours penser en nuances, de ne pas savoir me perdre dans l’autre. J’y voyais une horrible faiblesse, une preuve d’inhumanité, une preuve que j’étais une mauvaise personne. Voilà, voilà… Faire le deuil de cette connexion absolue, ou du moins accepter qu’elle n’est pas la seule façon d’être au monde et d’être aux autres, voilà mon prochain défi dans l’aventure neuro-atypique.  

Ressources

demonstrer.fr
Wikipédia : Etat fusionnel

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